I'll always remember you like a child, girl
Because I never wanna see you sad,
Don't be a bad girl

Le printemps décline doucement, comme le soleil derrière la ville d’AnkNor, ce qui donne un jeu de couleurs et de lumières étrange, presque irréel. Les rayons reflètent, bondissent et retombent sur les toits. Cela me donne une étrange impression. Jamais vu ce spectacle auparavant. J’avoue que c’est magnifique. J’suis pas du genre poète ou quoi, mais ça donnerait presque envie de faire des rimes. De toute façon, j’aime pas la poésie. Enfin bref.
Je suis pas du genre à me poser des questions non plus. J’ai jamais aimé les questions. En fait, j’aime pas les gens qui se posent des questions sur eux sans arrêt, qui se remettent toujours en cause. C’est barbant.
Mais ce soir, c’est différent. Est-ce que c’est parce que je suis assis sur l’herbe, sur une colline surplombant la cité, avec le soleil couchant devant moi ? Peut-être.
C’est une journée comme les autres; Je part chasser, laissant mon père seul à sa petite boutique. Jamais vraiment eu de grandes relations avec lui. On s’est jamais vraiment parlé, on a jamais vraiment rit ensemble. Nous ne connaissons pas la définition de la « relation père-fils », en fait. Mais je suis habitué. Depuis la mort de ma mère de toute façon, j’ai jamais connu de réelle relation. Sauf avec une seule personne. Mais je réserve le meilleur pour la fin, voulez-vous.
Ou en étais-je ? Ah oui, mon père, donc. Étrange personnage. Je le surprends parfois à marmonner des choses tout bas, à regarder fixement devant lui, comme si il voyait une scène que lui seul pouvait voir. Il pense à ma mère, sans doute. A la vie qu’il aurait pu avoir, sans ses soucis, sans la misère.
Moi je suis plutôt optimiste. Le commerce de mon père marche plutôt bien. Tant mieux, car c’est le seul espoir qui le garde en vie, qui nous garde en vie.
Ma vie s’est toujours déroulée comme ça, sans grandes relations avec les autres. Je préfère rester en dehors de tout ce beau monde et chasser seul des longues heures un peu partout. Mon père gagne de l’argent pour vivre, et je m’occupe de notre source de nourriture. C’est un pacte invisible sellé entre nous. Un pacte de survie, de protection mutuelle, en quelque sorte. Enfin bref, tout cela pour dire que mon enfance n’a pas été une partie de plaisir, surtout quand ma mère est morte quand j’était gosse. J’avais sept ans il me semble. Aujourd’hui, j’en ai vingt de plus et rien n’a changé. Bizarrement, je ne me suis jamais plaint de quoi que ce soit.
J’ai jamais été très sociable non plus. Je préfère rester seul, discret et silencieux. C’est ma vraie nature. Ce qui fait que je n’ai pas vraiment d’amis. Aucun, à vrai dire. Enfin, peu importe, je n’ai pas besoin des gens pour survivre… Sauf peut-être d’une seule personne importante à mes yeux.

- Simon ? T’es où ?

Tiens, on m’appelle.
Quand je vous disais que je vous réservais le meilleur pour la fin, c’était pas une blague.
Une jeune femme au cheveux de feu, arc à la main s’avance vers moi. Sourire aux lèvres.
Je vous présente Allivya, mais tout le monde l’appelle Ivy. La seule créature susceptible d’être mon amie. On s’est rencontré l’année dernière, je crois. Sa mère l’envoyait acheter des bricoles dans le petit commerce de mon père. Elle a dut batailler pour apprendre à me connaître; je suis pas du genre sociable vous ai-je dit. Mais ça c’est fait petit à petit, et maintenant on passe la plupart du temps ensemble. J’avoue que mes sentiments sont assez étroits envers elle. J’ai toujours l’impression qu’elle me réserve un sourire « spécial Simon » qu’elle n’offre à personne d’autre. Étrange personnage.
Elle s’assoit à coté de moi, et nous contemplons un instant le soleil déclinant, jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement.
On est pas bavards dans ces moments là. Cela nous convient très bien, d’ailleurs.
Je vais pas vous en dire plus sur mon enfance et tout. Y’a pas vraiment beaucoup de choses à dire de toute façon. Et puis, qui s’intéresserait à l’histoire de Simon Isildur, petit Cendre parmi tant d’autres ? Tout le monde connaît la réponse.
Ivy me regarde avec des yeux brillants.

- Bon, on bouge ? Tu comptes rester là toute ta vie ?

Je lui sourit.
Parfois, je me demande comment serait ma vie sans elle.
Ou comment serait sa vie sans moi.
Enfin, de toute manière, je suis pas du genre à me poser des questions.
J’ai jamais aimé les questions.