LA ROSE ET LE FIDELE ; Baja & Jasson.

Lorsque le soleil se lève sur AnkNor, on dirait que la ville elle-même se réveille. Les toits du quartier perle brillent sous le feu des rayons, étincèlent, scintillent des mille couleurs que sont l’héritage des anciens, alors que les masures côté cendre de la ville restent mates et brunes. En réalité, AnkNor grouille déjà d’activité à cette heure-ci, car si les perles se permettent de dormir parfois jusque tard dans la matinée, les cendres n’ont d’autre choix que de se lever pour travailler, pour gagner de quoi vivre à la sueur de leur front.

Justement, ce fut un rayon de soleil traversant le carreau de sa chambre qui extirpa Jasson de son sommeil. Il cligna des yeux, presque surpris de se retrouver dans son lit, et, reconstituant mentalement les dernières secondes il comprit qu’il n’avait fait que rêver. Cruelle chose que l’imagination, lorsqu’on se rend compte que la vie n’est que ce qu’elle est. Mais qu’importe, il était un perle, et il portait la robe de prêtre qui plus est, et il n’avait pas réellement de quoi se plaindre. Doucement, il se laissa glisser hors de son lit, et ouvrit les rideaux complètement pour laisser le jour percer l’obscurité de la pièce. Ebloui, Jasson se protégea les yeux afin de s’habituer au changement de luminosité, et bien vite, il put admirer le paysage au travers de sa fenêtre. Toutes sortes de gens s’activaient dehors, et il sut qu’il était temps pour lui de se préparer à aller travailler.

Comme chaque matin, le prêtre était en retard, et s’est donc en quatrième vitesse qu’il petit-déjeuna, s’habilla et quitta son domicile. Il perdit encore quelques minutes à saluer sa voisine, à discuter très brièvement avec le fils aspirant d’un mage réputé, et après avoir distribué milles excuses à toutes ses autres connaissances du fait de son retard, il arriva enfin à la chapelle. Kaïa ; il pouvait ressentir la présence de la déesse alors qu’il était encore à l’extérieur du bâtiment. Le lien qu’il avait tissé avec la divinité était si fort qu’à chaque fois qu’il voyait du jaune, ou une quelconque babiole rappelant la déesse son cœur se réchauffait. Oui, songea Jasson, Kaïa serait la seule et unique femme qu’il aimerait dans sa vie. Il entra dans la chapelle, se sentant ici bien plus chez lui que dans sa maison. L’air était mystique, les odeurs étaient rite, les couleurs étaient culte, et le tout était harmonie ; à l’image de Kaïa. Jasson sourit et avança. Le plus ancien des prêtres ne le réprimanda même pas pour son retard, et se contenta de soupirer. Tous les matins, c’était pareil.

Brusquement, Jasson s’arrêta. Elle lui tournait le dos, mais il reconnaissait sa chevelure blonde. Il devinait qu’elle attendait, bras croisés, dans une position qui relevait limite du défi. Il avait complètement oublié !

« Bonjour Baja, désolé du retard. »

Il lui fit son sourire le plus poli, le plus sympathique.
Il savait qu’elle n’avait aucune envie d’être ici, en sa présence, savait qu’elle n’avait que très peu de respect pour le culte de la déesse, mais sa mère avait demandé à ce qu’il lui dispense ses conseils et sa foi un jour par semaine, et ledit jour était venu.

« Je suppose que vous n’avez rien de plus à me dire que d’habitude, mais sait-on jamais… Désirez-vous que l’on parle de quelque chose en particulier ? Avez-vous quelque chose sur le cœur ? Kaïa apportera son aide à tous ceux qui le souhaitent. »

Nouveau sourire. C’était ainsi que les prêtres étaient supposés accueillir toute personne ici, et même si Baja était quelqu’un de particulier et que sa présence entre les murs de la chapelle n’était pas volontaire, il se devait d’agir ainsi.